Ni mécène du Met de New York, ni mécénée par lui, je sacrifie pourtant à l’irrépressible envie de saluer une nouvelle fois la dernière retransmission au cinéma d’une production de la maison d’opéra new-yorkaise !
Samedi 19 janvier, les salles obscures affiliées au réseau Pathé-live -on pouvait écouter aussi chez soi, sur France Musique- diffusaient en direct Marie Stuart de Donizetti, opéra créé en 1834 à Naples. Dans le rôle-titre, la mezzo américaine Joyce DiDonato. D’une artiste aussi talentueuse, on attendait bien sûr une belle prestation. Mais elle nous a offert tellement davantage !
Actrice consommée, elle explique durant les délicieuses interviews « sortie de scène » avoir beaucoup lu sur son personnage mais plus encore regardé les films mettant en scène la reine d’Ecosse, incarnée par Katherine Heppburn ou Vanessa Redgrave. Son jeu n’a presque rien à envier à ces étoiles du 7e art : visage mobile, jamais déformé par la performance vocale, attitudes frémissantes, accablées ou révoltées, Joyce DiDonato est tout simplement parfaite.
Et quelle expressivité dans ses mains, agitées d’un léger mais incessant tremblement tout au long de l’Acte II. Incarcérée depuis de longues années (elle passa 18 ans de prison en prison) sur ordre de son ennemie jurée Elizabeth Iere , Marie Stuart a vieilli physiquement et moralement : les mains de la chanteuses suffisent à évoquer ce double outrage, de l’âge et de la politique.
Musicienne de très, très, haute volée, Joyce DiDonato se délecte d’une partition qui semble avoir été écrite pour sa voix claire et charnue, d’une souplesse de liane. Jouissance technique et émotion pure se conjuguent au sommet de son art. Que faut-il admirer le plus : les sons filés dans l’aigu, qu’elle épanouit dans un seul souffle uni et infini ? Les vocalises aisées, gracieuses, jamais démonstratives ? La douceur méditative de son chant, comme une introspection qu’il nous est donné d’entendre presque par effraction ? Ou ces soudaines violences quand, de victime soumise, Marie se transforme en souveraine accusatrice.
La fin de l’Acte I est stupéfiante : face à la morgue d’Elizabeth, la reine déchue se redresse tandis que sa voix, elle, descend dans le grave de la tessiture. Le « figlia impura di Bolena » (« fille impure d’Anne Boleyn ») qu’elle crache au visage de sa cousine est de ces instants de théâtre dramatiques qu’on n’oubliera pas.
Le Metropolitan Opera en direct au cinéma. Rens. sur www.pathelive.com