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Des merveilles et une déception : souvenirs de Munich

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La façade du National Theater de Munich

La façade du National Theater de Munich

Du 25 au 31 juillet, la dernière semaine du festival estival de l’Opéra de Bavière fut un feu de joie musicale, permettant de goûter, en outre, la belle acoustique et l’ambiance singulière de trois salles de caractère : l’immense National Theater avec son Parkett, son Balkon, ses Ränge et sa Galerie. Sans oublier les places réservées aux lecteurs de partitions qui écoutent la représentation en en suivant mesure par mesure les lignes vocales et orchestrales ; le Prinzregententheater à l’atmosphère « vintage » qui ne propose que de bonnes places et permet de se délasser avant le spectacle dans son délicieux jardin ; ou encore le Cuvilliés-Theater, adorable bijou

La salle du Cuvilliés-Theater

La salle du Cuvilliés-Theater

rococo tout d’or et de pourpre.

Si, avouons-le, l’attraction principale de ce séjour munichois était la reprise de La Force du Destin de Verdi avec Anja Harteros, Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier dans les trois rôles principaux, il y eut bien d’autres délices (et une déconvenue) dont voici quelques aperçus…

* Un Orfeo de Monteverdi mis en scène avec fantaisie, délicatesse et esprit de troupe par David Bösch, dans un style précis et décontracté qui rappelle les premières incursions de Jean-François Sivadier dans l’univers de l’opéra. Dans le rôle du poète-musicien, le baryton Christian Gerhaher, aussi bien chantant que profondément

Christian Gerhaher et Angela Brower dans l'Orfeo de Monteverdi

Christian Gerhaher et Angela Brower dans l’Orfeo de Monteverdi

émouvant. A son côté, Angela Brower incarnait la Musica et la Speranza avec une grâce d’elfe au sein d’une distribution soliste et chorale sans failles, soutenue -un peu sagement peut-être- par la direction d’Ivor Bolton.

* La truculence et la joie communicative d’un Barbier de Séville endiablé. Les petits décalages entre scène et fosse (le festival proposait une unique représentation du chef-d’œuvre de Rossini dont la mécanique aurait nécessité sans doute quelques instants supplémentaires de mise au point…) furent balayés par l’humour et le dynamisme des chanteurs, notamment Renato Girolami (Bartolo) et Juan Diego Florez (Almaviva). Le premier campe un docteur barbon ridicule mais attachant et le second « s’éclate » en séducteur vocalisant : la scène dans laquelle il se déguise en professeur de musique pour s’introduire auprès de la belle Rosine est irrésistible. Dans un « private joke » partagé avec une salle entière, le voici même qui se présente en Riccardo Muti avant de mimer  les tics les plus expressionnistes des stars du piano : on s’y croirait !

trinks* La direction musicale enthousiasmante du chef allemand Constantin Trinks pour Le Chevalier à la Rose de Richard Strauss. L’orchestre du Staatsoper miroite et éclate de mille feux dans cette musique si bien écrite qu’elle en donne le vertige. On sent que toutes les forces instrumentales et vocales maîtrisent haut la main leur sujet (Kirill Petrenko, réputé pour son exigence et le raffinement de son travail, a assuré les représentations lors de la saison 2013-2014) et peuvent donner ainsi le sentiment d’improviser. Il n’est pas un solo instrumental qui ne caresse ou ne chatoie, pas un grand tutti qui ne déferle comme une vague puissante. Et que de couleurs, de textures, de grains différents dans les sonorités. Dès la première note jusqu’à l’accord final, en passant, notamment, par l’introduction orchestrale de l’Acte III, d’une étourdissante beauté.

* Ce même Chevalier permet de découvrir une jeune voix formée à Munich, que Nikolaus Bachler, le patron du Staatsoper, juge à raison « plus que prometteuse » : celle de la Sud-Africaine Golda Schultz, soprano -au ravissant physique- dont le timbre argentin mais fruité s’épanouit dans le merveilleux rôle de Sophie. Un très long phrasé sans heurts, un aigu facile et nuancé et une forte présence scénique sont au nombre des atouts de cette artiste que l’on a hâte de réentendre.

Renato Girolami saluant à l'issue d'une représentation du Barbier de Séville

Renato Girolami saluant à l’issue d’une représentation du Barbier de Séville

* Un mois de festival avec une programmation aussi variée soir après soir, ce sont aussi de savoureuses retrouvailles avec quelques chanteurs dans des ouvrages différents. Ainsi le Baron Ochs de Peter Rose, dans Le Chevalier à la Rose, se métamorphose en intriguant Basilio du Barbier de Séville, tandis que notre cher Renato Girolami, alias Bartolo, chante également dans La Force du Destin : il y est un formidable Fra Melitone. Avec sa vocalité quasi-rossinienne, ce rôle léger dans un ouvrage que ne l’est guère permet à Verdi d’accuser, par contraste, l’implacable tragédie qui accable ses héros.

* Parlons-en de cette Force du Destin. Comment ne pas penser alors à Carlo Bergonzi, décédé le 25 juillet qui fut un inoubliable Alvaro le malheureux héros de l’opéra de Verdi ? Une précieuse place permit de vivre, le 28 juillet, quatre heures de rêve éveillé. Tant pis si Martin Kusej ne fait aboutir aucune de ses idées (cousues de fil blanc) dans une mise en scène dont la  laideur n’est guère rachetée par une direction d’acteurs plutôt musclée. Tant pis si Preziosilla trouve en Nadia Krasteva une interprète à la voix triviale et à la ligne de chant « intermittente ». Soutenus par la direction musicale

Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier, mortels ennemis dans La Force du Destin

Jonas Kaufmann et Ludovic Tézier, mortels ennemis dans La Force du Destin

solide d’Asher Fisch, les autres solistes et les excellents chœurs du Staatsoper font un sans faute. La souveraine Anja Harteros (quelques petites délicatesses avec l’intonation sont compensées par une noblesse et une palette de nuances impressionnante), le terrible Ludovic Tézier dont la soif de vengeance s’exaspère d’acte en acte et Jonas Kaufmann, halluciné et bouleversant, sont les protagonistes d’un des plus beaux opéras de Verdi. Existe-t-il musique plus intense et plus déchirante que celle du duo entre Alvaro et Carlo au quatrième acte ? Existe-t-il incarnation plus sauvage et plus cruellement sublime que celle du ténor allemand et du baryton français ?

* N’ayant pu trouver de billet pour le 25 juillet (la première des trois représentations de cette Force du Destin), je me suis consolée avec un concert de solistes de l’Orchestre du Staatsoper au Théâtre Cuvilliés. Belle consolation, grâce au Mozart inspiré de la Gran Partita, sérénade servie au plus haut et poétique niveau par treize instrumentistes exceptionnels menés par le hautbois suprêmement éloquent de Giorgi Gvantseladze, digne ancien élève de François Leleux…

Plus chanceuse pour la dernière des trois Force, le 31 juillet, je m’apprêtais à revivre les émotions du 28. Mais, Jonas Kaufmann annulant sa participation pour cause de maladie, la soirée allait s’avérer bien différente. Le téméraire Zoran Todorovich remplace courageusement son collègue défaillant… et défaille lui-même dans un rôle qu’il n’a pas (plus ?) la forme ni la force vocale d’endosser -on se souvient l’avoir entendu très convaincant à la Monnaie de Bruxelles dans ce même rôle et, quelques années plus tard, déjà moins vaillant à Paris. Rien ne va et la comparaison avec Jonas Kaufmann entendu l’avant-veille est éprouvante. On admire d’autant plus Ludovic Tézier qui parvient à conserver sa superbe vocale et dramatique (et son intonation !) dans les duos qui l’opposent à cet Alvaro en méforme.

Une déception -de taille- mais qui ne peut faire oublier tous les ravissements qui l’ont précédée…

Le salut final à la fin de La Force du destin : Vitalij Kowaljow, Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Ludovic Tézier.

Le salut final à la fin de La Force du destin : Vitalij Kowaljow, Jonas Kaufmann, Anja Harteros, Ludovic Tézier.

 

 


La place du choeur

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Disposition traditionnelle d'un chœur symphonique (ici Salle Pleyel à Paris)

Disposition traditionnelle d’un chœur symphonique (ici Salle Pleyel à Paris)

D’un pas lent et solennel, quasi protocolaire, ils se dirigent les uns après les autres vers le fond de la scène du Théâtre des Champs-Élysées. Les hommes d’abord, les femmes ensuite…
Le chœur de Radio France fait sa rentrée ce jeudi 18 septembre avec l’Orchestre national, dans Roméo et Juliette d’Hector Berlioz, sous la direction de Daniele Gatti.
Le lendemain, dans la même salle parisienne, c’est au tour du chœur du Teatro Regio de Turin d’occuper les derniers rangs au fond du plateau. Basses, ténors, altos et sopranos adoptent la même allure sénatoriale pour gagner leurs places avant de s’asseoir, un peu pesamment, sur leurs chaises. Dans quelques minutes, Gianandrea Noseda lancera les premiers accords du Stabat Mater de Rossini.

Ordre ou désordre ?
L’entrée d’un chœur dans une salle de concert relève toujours du défi : trop ordonnée, elle prend un air martial qui jure avec la grâce et la liberté si chères aux artistes. Mais le désordre, voire le n’importe quoi, ne s’avère pas plus heureux… Côté spectateurs, on est même en droit de se demander si l’exécution musicale ne sera pas à l’avenant de ce « négligé ».
Faut-il espérer qu’un jour, un chorégraphe, ou du moins un esprit soucieux d’élégance précise mais décontractée, décidera d’inventer une « procédure » d’entrée qui ne soit ni raide, ni brouillonne mais souple et plaisante à contempler ?

Voir et entendre

Une fois en place, un grand chœur symphonique comme celui de Radio France ou du Teatro Regio constitue une masse visuelle compacte et imposante, impression renforcée par les austères tenues noires des chanteurs. Mais, paradoxalement, sa localisation derrière l’orchestre, provoque un étrange décalage entre cet effet visuel et son impact sonore. La qualité des chanteurs n’est pas vraiment en cause. C’est la distance par rapport aux auditeurs et la présence-écran des instrumentistes qui diminue singulièrement le rayonnement des voix : elles sonnent souvent lointaines, un peu floues. L’articulation du texte se délite et l’on est tout étonné que tant de personnes fassent finalement si peu de bruit, là où un seul hautbois fluet peut emplir tout un théâtre !

Fréquemment, à l’issue d’un concert auquel participe le chœur de l’orchestre de Paris où j’ai la chance de chanter, les proches ou amis qui y ont assisté (généralement Salle Pleyel) semblent un tantinet gênés aux entournures au moment de donner leurs impressions, si possibles bienveillantes, sur la performance du jour. Les plus hardis et sincères d’entre eux confessent pourtant qu’ils n’ont pas tout à fait entendu le chœur comme il s’y attendaient, comme ils l’espéraient. Et pour peu que l’orchestre ne contienne que modérément ses ardeurs dynamiques, les voix sont alors pratiquement reléguées aux abonnées absentes…

Quelle disposition ?

Sans doute faudrait-il songer à disposer chanteurs et instrumentistes de façon différente, les premières enveloppant les seconds et avançant vers le public, comme c’est souvent le cas avec les formations baroque, aux effectifs certes beaucoup moins nombreux donc beaucoup plus mobiles et malléables. Pas facile, en effet, d’installer gracieusement et efficacement une centaine de choristes ! Peut-être peut-on espérer qu’en prévision l’ouverture de la Philharmonie de Paris, une réflexion a été menée sur la répartition entre voix et orchestre pour favoriser une homogénéité sonore nouvelle et équilibrée. À moins que l’acoustique, annoncée merveilleuse, ne résolve d’elle-même, sans qu’on ait à modifier quoi que ce soit de la géographie des forces musicales, l’équation de cette balance souvent imparfaite.
Réponse dans quelques semaines…

L’accordéoniste de Duroc

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métro Je n’en suis pas très fière mais l’honnêteté me pousse à avouer que j’ai une forte tendance à rentrer dans ma coquille face aux musiciens du métro. Dans les couloirs, j’accélère le pas, dans les rames, je me plonge dans mon journal, mon livre ou ma conversation avec mon compagnon de voyage comme dans un puits sans fond.

Son trop fort, voire violemment agressif ; répertoire qui, la plupart du temps, me laisse de marbre (hypothèse favorable), me crispe (hypothèse réaliste) ou m’horripile (hypothèse envisageable) ; exécution banale ou médiocre. Pourquoi, sous prétexte qu’elle s’impose à nous, la musique devrait-elle être de qualité approximative ? Ne faudrait-il pas, au contraire, pour attirer l’attention distraite du voyageur et non l’importuner, lui offrir de petites perles inattendues plutôt qu’une « soupe » indigeste ?

On me rétorquera, à raison, que bien des musiciens du métro (les officiels et les autres) jouent ce qu’ils peuvent, comme ils le peuvent, sur les instruments dont ils disposent et qu’il est hors de propos de vouloir évaluer leur prestation comme s’ils se produisaient en professionnels dans une salle de concert à l’acoustique favorable. On me dira aussi que ces musiciens réhumanisent un mode de transport qui, en dépit des allégations d’une ancienne candidate à la mairie de Paris, réserve bien peu de moments de grâce…

Ces objections sont parfaitement sensées et moralement beaucoup plus « reluisantes » que mes propres préventions : mon esprit y adhère bien volontiers… tandis que mon oreille peu généreuse, voire intolérante, reste hostile à ce déferlement de notes grinçantes, trémulantes ou indigentes.

Heureusement, les attitudes les plus intraitables sont soumises aux accidents, aux révélations même, qui les mettent à mal. Dans le couloir de la station Duroc (ligne 13, direction Châtillon-Montrouge), un accordéoniste (pour aggraver mon cas, je dois confesser une allergie coutumière à cet instrument !) a radicalement changé ma vision des choses.bach

Ce monsieur d’une cinquantaine d’années au physique débonnaire -sans doute originaire de l’Est de l’Europe si j’en juge par les inflexions slaves de volubiles conversations sur son téléphone portable- joue Jean-Sébastien Bach. Je ne l’ai jamais entendu que dans la musique du Cantor qui, peut-être, constitue le socle de son univers musical. Chorals, transcriptions de suites ou de  concertos pour clavier, « tubes » (Que ma joie demeure) ou pièces plus rares,  il alterne pages méditatives et pièces dansantes, œuvres contemplatives et traits virtuoses, avec une même aisance, piochant à l’envi dans une pile de partitions photocopiées posée à ses pieds…

Sa technique est excellente (héritée de cette puissante tradition russe de l’accordéon ?), capable de faire ressortir les lignes de l’écriture musicale, de ciseler les différentes voix des fugues, de mettre en lumière les plans sonores, les accents et les phrasés. Mais plus frappante encore est sa musicalité, qui, en quelques mesures, installe aussitôt un tempo, un climat, un élan, que beaucoup d’artistes patentés pourraient légitimement lui envier. En dépit de l’écho renvoyé par les murs et voûtes de la station, du fracas des trains et du claquement des talons des voyageurs pressés, cet accordéoniste parvient à créer une bulle d’émotion intense, rêveuse ou jubilatoire, qui ensoleille la journée.

Quand il s’agit de choisir un itinéraire dans le métro parisien, si la possibilité d’un changement à Duroc se présente, je ne saurais que trop vous le conseiller !

 

 

Carmen depuis le Met, heureuse surprise

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Anita Rachvelishvili, Carmen au Met de New York

Anita Rachvelishvili, Carmen au Met de New York

Après des Noces de Figaro bondissantes sous la direction juvénile et lumineuse de James Levine, la retransmission de Carmen en direct depuis le Metropolitan Opera de New York, ce samedi 1er novembre, semblait moins prometteuse. Mise en scène du même Richard Eyre dont quelques images piquées sur Internet annonçait une super-production tendance carton-pâte à grande échelle. Quant au cast, il pouvait laisser pour le moins dubitatif…

Notamment le rôle-titre, confié à la mezzo géorgienne Anita Rachvelishvili, découverte il y a quelques années dans le même emploi, lors de la rituelle ouverture de la Scala de Milan, le 7 décembre 2009. Voix peu contrôlée, diction hasardeuse (un euphémisme !), incarnation en mal de subtilité… la prestation de la chanteuse, face au Don José halluciné de Jonas Kaufmann, laissait perplexe.

Et puis, divine surprise du spectacle vivant, la soirée fut bien meilleure que je ne l’imaginais. Assez enthousiasmante même, en dépit de ses faiblesses. Hommage d’abord au chef d’orchestre espagnol Pablo Heras-Casado, étoile montante de la baguette, qui empoigne avec ardeur et raffinement cette somptueuse partition. Une fois encore, on constate qu’une belle représentation lyrique tient en (très) grande partie à la direction musicale. Au Met, le contrat était largement honoré. Faisant miroiter l’orchestration -flûtes, clarinettes, hautbois, bassons scintillants- fouettant les cordes, murmurant dans les passages nocturnes avec une poésie argentée ou piquant ses banderilles dans la chair de la musique, le chef conduit les extraordinaires ensembles et pages chorales avec maestria. Le drame s’installe, la tension s’accroît, la tragédie rôde. Les crescendo partent de très loin pour s’épanouir irrésistiblement avec un sens du théâtre assez bluffant.

le chef espagnol Pablo Heras-Casado

le chef espagnol Pablo Heras-Casado

Cinq ans après la Scala, la brune et pulpeuse Anita Rachvelishvili a considérablement peaufiné et affiné sa Carmen. La prononciation et la compréhension du français ont fait de notables progrès, comme le jeu, beaucoup plus varié, plus nuancé, malgré une mise en scène qui abuse des retroussement de jupes volantées et autres voluptueuses ondulations de hanches. La voix elle aussi est sortie de sa gangue, offrant sur toute l’étendue de la tessiture un fruité charnu et opulent. De très beaux graves, profonds,  timbrés, des aigus, parfois un peu trop vibrés, mais clairs et sans dureté. Et quelle force vitale, quelle gourmandise à s’emparer de ce personnage formidable qui lui insuffle sa flamme et sa liberté !

Son José, Aleksandrs Antonenko, est à la peine dans les deux premiers actes, fâché avec l’intonation et passablement emprunté. On s’étonne d’entendre le public du Met applaudir chaleureusement une « Fleur que tu m’avais jetée » qui se fane mesure après mesure… Pourtant, galvanisé par la direction passionnée de Pablo Heras-Casado, le ténor trouve ses marques dans les deux derniers actes, jouant le tout pour le tout avec une sincérité touchante. Face à l’Escamillo frimeur d’Ildar Abdrazakov, image parfaite du macho avide de gloire et d’admiration féminine, il témoigne d’une fragilité à l’état brut, presque enfantine.

Frasquita et Mercedes, compagnes et complices de Carmen, sont impeccables, prouvant qu’il ne s’agit nullement de seconds rôles tant leur contribution aux ensembles, notamment le Trio des cartes, est fondamentale.

La soprano Anita Hartig, adorable Micaëla

La soprano Anita Hartig, adorable Micaëla

Et puis, il y a Anita Hartig, Micaëla idéale. Depuis Anne-Catherine Gillet à l’Opéra Comique sous la direction de John Eliot Gardiner, on n’avait pas rencontré une jeune amoureuse pleine de courage aussi convaincante, aussi féminine, aussi émouvante. On imagine sans peine que José ait pu s’éprendre de cette délicate demoiselle, modeste mais volontaire, qui brave l’ »épouvante » pour le sauver. Anita Hartig -ravissante en scène- possède une voix merveilleusement placée, cristalline et puissante, qui glisse du pianissimo au forte avec souplesse et naturel. Charmante, tendre, poignante, la soprano roumaine triomphe légitimement au moment des saluts.

On était entré dans la salle de cinéma (en ce qui me concerne le Club de l’Étoile, toujours aussi accueillant, cosy et adapté à la magie lyrique) en trainant vaguement les pieds. On en ressort le pas beaucoup plus léger…

 

 

Monsieur Rameau à l’Opéra Garnier

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Portrait de Jean-Philippe Rameau exposé actuellement au Palais Garnier

Portrait de Jean-Philippe Rameau exposé actuellement au Palais Garnier

Il vous accueille à l’entrée de l’exposition que l’Opéra de Paris et la Bibliothèque nationale de France lui consacrent jusqu’en mars prochain. (Par souci d’objectivité, je ne décrirai ni ne commenterai la dite-exposition, ayant de très proches accointances familiales avec sa co-commissaire, Elizabeth Giuliani… je vous conseille vivement cependant la lecture du catalogue, débordant d’illustrations !)

Vêtu de rouge, un violon entre les mains, le visage doux et l’expression débonnaire, Jean-Philippe Rameau, la tête emperruquée légèrement penchée, contemple donc le visiteur droit dans les yeux.

« J’ai eu la chance de pouvoir acheter cette réplique d’époque du fameux portrait de Rameau, réalisée dans l’atelier de Jacques André Joseph Aved « , raconte Christophe Rousset. Le claveciniste et chef d’orchestre l’a prêtée le temps de l’exposition. « Chez moi, j’ai l’impression qu’il m’observe lorsque je joue. Tout un symbole ! Il dégage une grâce, une sérénité qui semble bien éloignées du véritable caractère de Monsieur Rameau, souvent décrit comme ombrageux, voire colérique… »

Très actif au cours de cette luxuriante année Rameau dont il défend l’œuvre instrumentale et vocale avec une égale

Christophe Rousset, claveciniste, chef d'orchestre et fondateur des Talens lyriques

Christophe Rousset, claveciniste, chef d’orchestre et fondateur des Talens lyriques

ardeur, Christophe Rousset espère que les concerts, expositions, colloques et autres manifestations ont lancé une « dynamique ramiste qui restera vivante après le 31 décembre 2014. On dit sa musique difficile, d’une écriture complexe et même compacte. C’est vrai qu’il se positionnait en scientifique autant qu’en artiste. Pour autant, son œuvre est spectaculaire, descriptive, d’une immense puissance évocatrice : écoutez les tempêtes et tremblements de terre des Indes galantes, les cris de batraciens et d’oiseaux dans Platée ! »

Au détour du vernissage de l’exposition, Stéphane Lissner (directeur de l’Opéra de Paris) qui l’inaugurait avec Bruno Racine (président de la BnF) a d’ailleurs laissé échapper -il est censé dévoiler sa programmation seulement dans quelques semaines…-  que cette irrésistible Platée serait au programme de la prochaine saison du Palais Garnier, dans la mise en scène facétieuse de Laurent Pelly. Rameau dont la statue orne le hall de l’édifice (une copie trône également dans l’exposition) s’est donc installé durablement au Palais Garnier.

Qui songerait à s’en plaindre ?

Mystères de l’émotion

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La Cène ou la table du repas de famille...

La Cène ou la table du repas de famille…

 

 

 

 

 

Un peu par « devoir », je suis allée voir et entendre au Théâtre de l’Athénée, Et le coq chanta, spectacle d’Alexandra Lacroix et François Rougier d’après les Passions de Jean-Sébastien Bach. Par devoir, en raison de propos pour le moins mitigés, entendus directement ou indirectement sur cet « objet » théâtral et musical qui affiche une sérieuse ambition en se frottant à l’une des plus sublimes et des plus difficiles musiques jamais écrites.

Pourtant, en règle générale, la programmation du Théâtre de l’Athénée ne déçoit pas : originale, ouverte à l’expérimentation sans tomber pour autant dans l’abscons, jouant de la jauge idéale d’une salle intime et ravissante. Sur le conseil des mêmes amis qui m’avaient fait part de leur déception, je n’ai pas lu la note d’intention des concepteurs du spectacle, de crainte d’être agacée par la litanie des objectifs qu’on m’annonçait non tenus.

Et le coq… commence dans la pénombre et le silence. Un à un, puis deux à deux, treize personnages, hommes et femmes, envahissent la scène pour se tenir, face au public. Bouche fermée, ils entonnent a cappella (les instruments viendront plus tard) un choral de Bach, extrait de sa Passion selon saint Marc. Et, déjà, une indicible émotion m’étreint. Certes -et la suite le confirmera- les voix ne sont pas les plus belles du monde mais, dans cette demi-teinte en accord avec l’obscurité ambiante, il « se passe quelque-chose » de très fort.

Croisant le récit de la Passion du Christ et l’évocation d’une réunion de famille (dans les deux cas, la table et le repas sont au cœur des échanges entre les personnages), le spectacle alterne en toute fluidité l’explicite et l’allusif, l’évident et l’énigmatique. Le dernier tableau glisse dans une autre dimension, d’une douceur effrayante, les protagonistes errant dans ce qui pourrait être la salle commune d’un asile d’aliénés. Métaphore, peut-être, d’une humanité insensée qui a sacrifié son Sauveur…

Un montage de récitatifs, airs, ensembles et chœurs des Passions, selon Marc donc (la partition autographe est perdue et la reconstitution hasardeuse) donc mais, surtout, Jean et Matthieu, crée un continuum dramatique qui repose à la fois sur la linéarité et sur la répétition des mêmes épisodes, vus et vécus différemment. Et si certaines images semblent superflues (Pilate, par exemple, ne se contente pas de se laver les mains mais s’immerge tout entier dans une baignoire), la plupart des situations frappent juste. Le doute ne semble pas permis : la mécanique d’horlogerie qui s’offre à nos yeux a certainement nécessité beaucoup de sérieux dans le travail.

Les treize acteurs-musiciens se frôlent et s’affrontent, croisent leur solitude ou s’élance les uns vers les autres avec une touchante sincérité. Au détour d’une scène, voici un geste individuel, un élan collectif, qui semblent sortis d’une toile de Rubens ou d’une gravure de Rembrandt.

La critique a souligné le médiocre niveau musical de ces

la soprano Aurore Bucher

la soprano Aurore Bucher

artistes, bien présomptueux de s’attaquer ainsi à la musique de Bach. Il est vrai que de sérieuses lacunes, notamment dans l’intonation et la vélocité vocale et instrumentale, heurtent l’oreille. A une notable exception près, la soprano Aurore Bucher, aussi pénétrante comédienne que solide chanteuse. Son duo, extrait de la Passion selon saint Matthieu, avec le contre-ténor Théophile Alexandre (dont la prestation hésitante gagne en assurance au fil de la soirée) est un moment de pure tendresse, douloureuse et consolatrice.

D’autres passages sonnent nettement moins bien, notamment lorsque les voix les plus fragiles sont exposées en solo. En revanche, les pages chorales franchissent correctement la rampe, avec, parfois, une surprenante intensité.

Si bien que, pour imparfait qu’il soit, le spectacle distille et installe une émotion puissante, qui vous envahit à votre corps défendant. On peut en conclure que Bach est si génial qu’il supporte tout -mais surgissent aussitôt les souvenirs de concerts terriblement ennuyeux dont il était pourtant le héros ! L’ont peut aussi reconnaître le talent d’une équipe, certes « glonflée » d’avoir visé si haut, mais qui a su transcender ses faiblesses par la ferveur de son engagement et la grâce de sa cohésion.

André Chénier à Covent Garden, un poète français sur la scène londonienne

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L'affiche un brin kitsch d'André Chénier au Royal Opera House de Covent Garden

L’affiche un brin kitsch d’André Chénier au Royal Opera House de Covent Garden

Commençons par une considération d’ordre pratique. Le retard de l’Eurostar entre Paris et Londres – une heure trente – après les incidents du week-end dernier dans le tunnel sous la Manche, a permis d’évaluer le temps nécessaire entre la gare de St Pancras et le Royal Opera House de Covent Garden. A condition de marcher d’un bon pas, 25 minutes (assez angoissées) suffisent, en dépit de la foule qui se presse sur la Piccadilly Line du « tube ».

Vision solide et traditionnelle

Une fois assise dans les « stalls circle » à l’arrière du parterre, il était temps de reprendre mon souffle et mes esprits. Antonio Pappano, sans nul doute averti des avaries du rail, pouvait alors faire son entrée et lancer le vigoureux accord par lequel commence André Chénier d’Umberto Giordano.
Apparaît alors un bel et opulent décor d’un traditionalisme confortable. Lustres, boiseries, profusion de dorures et meubles joliment chantournés : David McVicar a signé une production « d’époque » située aux temps révolutionnaires en dépit de quelques très légers anachronismes comme, à l’acte I, cette chorégraphie avec ballerine sur pointes et figures au sol. Mais, jusqu’à la fin de la représentation, les personnages de ce drame politique et sentimental évolueront en une explicite reconstitution du Paris des années 1790, avec slogans – « La Patrie en danger » – et drapeau tricolore taché de sang en guise de rideau de scène.


La direction d’acteurs est à l’avenant, classique et lisible, ménageant les chanteurs au moment de leurs morceaux de bravoure respectifs – la partition les « enfile » un peu comme des perles… – et guidant les masses chorales avec un indéniable métier, à défaut de beaucoup d’imagination. Les costumes fin XVIIIe sont gracieux, ce qui permet notamment aux fans de Jonas Kaufmann de l’admirer dans des atours plus seyants que le treillis maronnasse dont il était affublé dans La Force du destin de Verdi à Munich ou le jean sans surprise de Manon Lescaut (Puccini), la saison dernière sur le plateau de ce même Royal Opera House.


Cette lecture plutôt conventionnelle ne trahit jamais l’action jusqu’à en souligner les faiblesses et ficelles dramatiques. Tout comme le schématisme des psychologies, le seul caractère vraiment pénétrant n’étant pas le poète Chénier, réformiste convaincu bientôt pourchassé par le Tribunal révolutionnaire, mais plutôt Charles Gérard, l’ancien valet qui renonce, par amour et grandeur d’âme, à user de son nouveau pouvoir de représentant du Peuple souverain.

Une direction musicale maîtrisée

 

Le chef Antonio Pappano

Le chef Antonio Pappano

Dans la fosse, Antonio Pappano nous a semblé beaucoup plus nuancé et raffiné que lors de cette récente Manon Lescaut, faisant fleurir des sonorités orchestrales subtiles et contrastées, de pénétrants solos de violoncelle ou de hautbois, l’un des atouts indéniables de l’ouvrage. Les superbes interventions chorales sont, elles aussi, conduites avec brio mais les voix (féminines notamment) pêchent par excès d’aigreur et de vibratos désordonnés, plus « mustard » piquante que « sweet marmalade »…


Dommage également qu’un théâtre de l’envergure et de la réputation de Covent Garden distribue aussi médiocrement les seconds rôles. Ils sont pourtant essentiels à la réussite et à la cohérence d’un spectacle, d’autant que Giordano les mobilise dans de nombreux ensembles insufflant vie et vibration à son André Chénier. A l’exception de Roland Wood, solide et généreux Roucher, aucun ne convainc vraiment et maints blessent l’oreille, à l’image de Denyce Graves, Bersi au physique aventageux mais au timbre d’impitoyable crécelle ! Ne faudrait-il pas non plus choisir une chanteuse aux harmoniques émouvantes et à l’intonation sans failles pour incarner la vieille Madelon, mère courage poignante sacrifiant son fils à la République ?

Victoire des voix masculines


Parmi les trois protagonistes de l’opéra, la soprano Eva-Maria Westbroek (Madeleine de Coigny) laisse perplexe. A-t-elle a usé et abusé de

Eva-Maria Westbroeke et Jonas Kaufmann, le couple Madeleine de Coigny - André Chénier

Eva-Maria Westbroek et Jonas Kaufmann, le couple Madeleine de Coigny – André Chénier

rôles trop lourds pour perdre ainsi le contrôle d’une voix certes toujours large, mais en mal de justesse et de rondeur. Comédienne engagée et musicienne en quête de subtilité, elle ne semble plus avoir, hélas, les moyens de ses intentions, poussant notamment des aigus stridents par trop approximatifs.

Le Gérard torturé de Zeljko Lucic, luttant avec sa conscience, ne rencontre pas le même écueil que sa « collègue » : ce baryton robuste, ancré dans son personnage, en révèle les doutes et les ombres, en traduit le cheminement intime, du désir de vengeance à l’abnégation. La richesse de la « pâte » vocale s’émousse légèrement dans l’aigu de la tessiture mais sans que le phrasé, d’un ardent lyrisme, ne soit altéré. Le public londonien

Le baryton Zeljko Lucic, formidable Gérard

Le baryton Zeljko Lucic, formidable Gérard

y est sensible et lui réserve une ovation unanime.


Il la partage avec Jonas Kaufmann qui ajoute un poète martyre à la galerie des héros douloureux inscrits à son répertoire. Délaissant, à quelques fascinantes exceptions près, les brumeux pianissimi dont il aime signer ses interprétions, il donne de la voix, de bas en haut et de haut en bas, avec l’incomparable éloquence et la stupéfiante intelligence dramatique qui le caractérisent.  Oserai-je avouer en vouloir un peu à Umberto Giordano -et à son librettiste Luigi Illica- d’avoir rendu bien convenus les sentiments, espoirs et états d’âme de l’auteur de La Jeune Captive ? Lui qui eut le tort -et l’imprudence- de composer une Ode à Charlotte Corday et, même, de prêter  sa plume à Louis XVI implorant la Convention de lui laisser la vie sauve…

N’oubliez surtout pas de découvrir cette production londonienne en direct au cinéma, le 29 janvier (plus quelques rediffusions ultérieures dans certaines salles). Liste des salles sur www.akuentic.com/opera-au-cinema

 

A l’Opéra Comique, Venise en rouge et noir

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Les Fêtes Vénitiennes de Campra (1660-1744) à l'Opéra Comique

Les Fêtes Vénitiennes de Campra (1660-1744) à l’Opéra Comique

Découvrir une nouvelle production lyrique -il en va sûrement de même au théâtre- alors qu’elle s’est déjà rodée au fil de quelques représentations est souvent la garantie d’un spectacle abouti, satisfaisant au plus près les désirs de ses concepteurs. Elle est, en outre, délivrée des tensions de la première devant un parterre d’invités ou trop acquis à la cause (on ne peut donc faire confiance à leur jugement laudateur) ou lymphatiques (ils sont là en service commandé et leur ennui sera palpable), de public impatient (parfois d’en découdre, notamment avec la mise en scène) et de critiques sans indulgence.

Vendredi 30 janvier, la quatrième soirée des Fêtes vénitiennes de Campra à l’Opéra Comique affichait salle comble. Même si le metteur en scène Robert Carsen avait discrètement pris place à la Corbeille et que l’on pouvait reconnaître aussi, çà et là, quelques professionnels de la musique, le public qui ovationna solistes vocaux, choristes, danseurs et instrumentistes, tous placés sous la direction de William Christie, était  tout à fait « normal » à l’échelle de l’auditoire de l’opéra.

On s’en veut d’autant plus de n’avoir pas tout à fait, pas du tout même avant l’entracte, partagé son enthousiasme. Certes, les arcades de la Place Saint-Marc sur lesquelles se lèvent le rideau font leur effet, comme son invasion toute réaliste par une troupe de touristes avec armes et bagages. Un peu moins réalistes, les plans qu’ils consultent fébrilement, la place étant sans doute l’un des rares endroits de Venise où l’on ne peut se sentir désorienté. Mais, en dépit d’une chorégraphie habilement réglée qui mêle aux choristes des Arts Florissants les danseurs agiles du Scapino Ballet Rotterdam, l’ensemble apparaît un rien tape-à-l’œil, non sans vulgarité dans la figuration (au lassant parfum de déjà vu) de scènes orgiaques, censées évoquer les plaisirs sans limites de la Sérénissime.

Plus aérée et plus aérienne dans les deuxième et troisième entrées de l’ouvrage (1), mariant avec une élégance « carsénienne » retrouvée l’humour et la poésie, la seconde moitié du spectacle séduit davantage par son brillant et sa finesse. Malgré quelques tics et agitations dont elle ne semble pas vouloir se débarrasser. L’imagination fertile et fantaisiste, à mi-chemin entre l’esprit du cabaret et celui du surréalisme en rouge et noir, dont fait preuve la costumière Petra Reinhardt est un élément essentiel de l’impact du spectacle.

La palette de formes, de matières, de matité ou de scintillement, de délicatesse ou d’opulence qu’elle déploie se retrouve dans la

William Christie

William Christie

fosse d’orchestre, où les musiciens des Arts Florissants font éclore un jardin de sonorités aux mille couleurs, sensuelles, gracieuses, éclatantes. Des pizzicati vibrionnant tels les élytres d’insectes fébriles aux facéties des percussions (formidable Marie-Ange Petit), en passant par les rêveries des bois, quel festin pour l’oreille, mitonné par William Christie ! Sur cette trame qui se suffirait presque à elle-même, voix solistes et chorales tissent leurs mélodies aux motifs simples et souriants, teintées parfois d’une aimable mélancolie. A ce titre l’air de Léandre dans la scène IV de la deuxième entrée, Les Sérénades et les Joueurs, est un modèle du genre : y souffle, tiède et iodée, une douce brise vénitienne…

Toujours charmante, parfois inspirée, la musique de Campra se laisse écouter dans une sorte d’abandon aisé, qui fait du bien, même lorsqu’un zeste d’ennui s’y glisse furtivement. Tout cela déborde de charme mais manque un peu de puissance expressive. Pourtant la beauté des ensembles console de leur parcimonie et l’efficacité des pages chorales traduit l’indéniable métier du compositeur du fameux Requiem

Les variations de l’intrigue (très mince !) de chacune des entrées successives de cet opéra-ballet permet aux chanteurs de se glisser dans les atours de divers personnages et caractères. L’équipe vocale est d’une belle cohérence : s’en détachent Emmanuelle de Negri, au timbre velouté et à la parfaite éloquence, Cyril Auvity, solaire, drôle, bucolique, selon les emplois que lui réserve la soirée et Reinoud Van Mechelen, élégiaque à souhait.

Sans être durablement hanté par le spectacle, on doit avouer que l’agacement de la première heure cède la place à une tranquille satisfaction. Qui se sent tout de même en peu en décalage avec les multiples rappels d’un salle en liesse…

(1) William Christie et Robert Carsen ont choisi l’un des quatre prologues et trois des neuf « entrées » différentes que compte l’ouvrage au fil de ses différentes versions.

Jusqu’au 2 février à l’Opéra Comique à Paris, puis reprise au Théâtre de Caen les 1er et 2 avril prochains

 

 

 


Qui a dit qu’il n’y avait pas de bons orchestres en Italie ?

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Le chef d'orchestre Gianandrea Noseda

Le chef d’orchestre Gianandrea Noseda

Samedi 11 avril, avant-dernier concert de la 3e édition du festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Dans un Grand Théâtre plein à craquer, la musique russe est à l’honneur avec une première partie consacrée à Rachmaninov et à son 2e Concerto pour piano, défendu avec flamme par Katia Buniatishvili. Robe tout aussi enflammée d’un rouge éclatant et jeu charpenté qui fait son effet, d’autant que la pianiste n’est jamais avare de nuances délicates et de sonorités allégées. L’ovation est méritée, même si sa vision sereine jusque dans son flamboiement semble parfois plus brillante que profonde. Tout sourire, l’artiste offre un bis de rêve – que l’on a entendu tout aussi admirable quoique très différent sous les doigts d’Anne Queffélec – un Haendel qui chante avec une désarmante simplicité et des ornements auxquels les doigts de fée de Katia Buniatishvili confèrent un raffinement clavecinisant.

Si l’acoustique un peu problématique du Théâtre aixois n’est pas idéale pour équilibrer le dialogue entre piano et orchestre (le second couvrant parfois le premier), ce 2e de Rachmaninov laisse déjà goûter la direction lyrique de Gianandrea Noseda et la souplesse du Filarmonico Teatro Regio Torino.

Ensorcelante Shéhérazade

Mais c’est après l’entracte que Shéhérazade de Rimski-Korsakov permet à l’un et à l’autre de déployer leurs ailes, de faire montre de leur talent et de leur cohésion. A tout seigneur tout honneur,  le premier violon, Sergej Galaktionov, impressionne dans les solos de la partition, diaboliquement exposés. Son phrasé belcantiste et la rondeur de sa sonorité s’accompagnent d’une belle hardiesse à proposer des pianissimi sur le fil de la corde. Basson, cor, hautbois, flûte… sont tout aussi séduisants, qu’ils se fondent dans la pâte orchestrale façonnée par Gianandrea Noseda ou émergent le temps de quelques mesures « en première ligne ».

La détermination du chef, qui paye de sa personne (et transpire à grosses goûtes), à raconter une histoire en musique sied si bien à Shéhérazade ! Avec les pleins et les déliés de sa gestuelle, il donne l’impulsion nécessaire tout en laissant au corps sonore la liberté de s’épanouir. Le public ne s’y trompe pas qui applaudit autant les instrumentistes que leur maestro et, sans doute plus encore, l’esprit d’équipe qui paraît les animer.

Animaux musiciens…

Belle équipe également, quoique plus intimiste, pour le concert de clôture du lendemain. Après une Truite de Schubert un peu en retrait, c’est le merveilleux Carnaval des animaux de Saint-Saëns qui remplit parfaitement son « contrat » : sertir de l’excellente musique, vivante, pétillante et inventive jusque dans sa prédilection pour le pastiche et l’hommage ironique aux maîtres du passé, dans un écrin littéraire savoureux, lu avec esprit par Guillaume Gallienne. On avoue avoir toutefois été un peu étonné que le comédien n’ait pas appris par cœur ces savoureuses répliques… images 2

A ce bémol près, ce fut un moment hautement réjouissant et un plateau de charme réuni par Renaud Capuçon, lui-même en très belle forme après 15 jours de festival dont il assure la responsabilité artistique, tout en montant à plusieurs reprises sur scène. Une mention particulière à Katia et Marielle Labèque, éblouissante de maîtrise, de puissance mais aussi de poésie ondoyante et perlée dans le fameux Aquarium, joyau musical sont les sortilèges ne s’émousseront jamais.

 

L’excellence et la gratuité

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L'Ensemble L'Yriade, animé par Léonor de Récondo et Cyril Auvity

L’Ensemble L’Yriade, animé par Léonor de Récondo et Cyril Auvity

A l’heure où une certaine réforme fait de notions telles que l’élitisme et l’excellence autant de pommes de discordes, il est plaisant de souligner que l’on a pu, un samedi à Paris et sans débourser un centime, jouir de deux moments d’exception, de haute culture, de raffinement et de plaisir esthétique !

Rendons hommage à une institution séculaire du Royaume, puis de la République, à laquelle on doit ces instants magiques : la Bibliothèque nationale de France (BnF). Dans le « petit auditorium » du site Tolbiac, à l’acoustique pourtant assez ingrate, l’ensemble L’Yriade, fondé par la violoniste Léonor de Récondo et le ténor Cyril Auvity, a donné le programme du disque qu’il va tout prochainement enregistrer. Une avant-première en quelque sorte, permettant de savourer un programme d’airs de cour français du XVIIe siècle, enchâssés dans quelques pages instrumentales tirées des Nations de François Couperin.

On rencontre maints bergers fidèles et bergères volages dans ces pages précieuses et galantes, à la suavité sans mièvrerie, qui exigent un interprète aussi sensible qu’intelligent. C’est le cas de Cyril Auvity dont la voix aiguë mais ronde de haute-contre et la diction plus que parfaite confirment qu’il est un des meilleurs artistes lyriques actuels. Nuances mélancoliques ou malicieuses, phrasé long ou incisif, finesse des accents et des ponctuations tant de la langue que de la musique… tout y est, soutenu par les instrumentistes complices de L’Yriade. « Je mourrais de plaisir si j’étais plus heureux » : l’auditeur emprunterait volontiers ces mots au texte de l’air de Michel Lambert par lequel le concert s’est conclu, pour traduire son propre contentement…

La Mélusine de Jean D'Arras

La Mélusine de Jean D’Arras

Autre implantation de la BnF, dans un quartier et un bâtiment autrement évocateurs, la Bibliothèque de l’Arsenal. Là, pour quelques jours encore (jusqu’au 23 mai, 19 h, pour être tout-à-fait précise), une merveilleuse exposition présente plus de 120 livres issus de la collection de Jean Bonna (1). Sobrement disposés dans des vitrines murales à hauteur de regard, précisément documentés par des cartels brefs mais très explicites, les volumes parcourent l’histoire des lettres françaises. Depuis La Mélusine de Jean d’Arras, premier texte littéraire imprimé en français, à Lyon vers 1485, jusqu’à La Peste de Camus avec l’un des dix exemplaires du « tirage de tête » de l’édition originale de 1947. Entre ces deux bornes chronologiques, que de trésors ! Les ouvrages eux-mêmes ou la trace de ceux qui les ont écrits, lus, commentés, offerts, reçus… Ici, une édition originale des Fables de La Fontaine illustrée par de savoureuses gravures de François Chauveau (Ah ! ce rat des villes et ce rats des champs se délectant d’ortolans, la moustache dressée !). Là, Le Devin du village, offert par Rousseau à « son ami Denis Diderot« , lequel prie à son tour « Mademoiselle Volland de l’accepter » : on lit avec émotion de double envoi en regard de la page de titre. Là encore, une dédicace un peu rapide de Flaubert à Baudelaire : l’écrivain offre sa Madame Bovary au poète, en ajoutant malencontreusement un « e » à la première syllabe de son nom !

Dédicace de Victor Hugo à Juliette Drouet

Dédicace de Victor Hugo à Juliette Drouet

Et, parmi tant de joyaux, comment de ne pas s’attendrir en lisant les quelques mots dont Victor Hugo orne l’exemplaire des Travailleurs de la mer qu’il destine à Juliette Drouet en mars 1866 : « A votre ombre et dans votre lumière« .

(1) A noter aussi qu’un remarquable choix de dessins de maîtres, de Raphaël à Gauguin, également rassemblés par Jean Bonna, est exposé jusqu’au 25 mai, à la Fondation de l’Hermitage à Lausanne en Suisse.

Critique, as-tu du cœur ?

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Cecilia Bartoli dans Norma de Bellini au TCE

Cecilia Bartoli dans Norma au Théâtre des Champs-Elysées (Photo Vincent PONTET)

Au milieu d’une salle – celle du Théâtre des Champs-Élysées – en liesse, quelques personnes demeurent le visage impassible sinon maussade. Alors que leurs voisins applaudissent à tout rompre, elles gardent les mains paresseuses, esquissant de vagues battements sans conviction. Mais qui sont donc ces rabat-joie dont l’auteur de ce billet doit avouer qu’elle fait partie ?

Il s’agit de journalistes et critiques musicaux « en mission » pour découvrir la production salzbourgeoise de Norma, le célèbre ouvrage de Bellini, créée en 2013 autour de la mezzo-soprano Cecilia Bartoli. Depuis son album (2007) et ses concerts dédiés à la diva assoluta Maria Malibran (1808-1836), on sait combien la cantatrice italienne est attachée à rafraîchir et raviver les couleurs de l’opéra du début du XIXe siècle, empâtées au fil des ans par les pompes bourgeoises d’une interprétation toujours plus emphatique. « L’influence du classicisme est particulièrement sensible dans Norma, tout comme l’attachement à la tradition rhétorique du baroque« , plaide Cecilia Bartoli (1).

Quelle déception alors, dès les premières notes de l’ouverture, que ces sonorités non pas rajeunies mais tristement éteintes qui sortent à grand peine de la fosse ! L’orchestre I Barocchisti sous la baguette, tantôt assoupie, tantôt précipitée, de Gianluca Capuano, miaule et couine plus qu’il ne distille les tendres mélodies du cygne de Catane. Étriqués, les passages martiaux ne valent guère mieux…

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Vincenzo Bellini (1801-1835)

C’est le duo Moshe Leiser et Patrice Caurier, fidèle complice de Cecilia Bartoli, qui signe la mise en scène. Point de Gaule assujettie par Rome, ni de druide ou de prêtresse, mais la France des années 1940 et une école communale tout droit sortie de la série télévisée Un Village français. Cette transposition pourrait fonctionner comme toute « implantation » de Norma sur un théâtre de guerre avec occupants et occupés. Mais c’est tout de même faire fi d’un livret aux références antiques et religieuses très appuyées qui deviennent un tantinet ridicules dans la bouche de citoyens ordinaires. On peine en outre à imaginer des réunions de résistants aussi peu discrètes alors que, partout, rôdent les miliciens… La direction d’acteurs, sans doute travaillée, ne parvient pourtant jamais à canaliser les maladresses et exagérations dramatiques des chanteurs. Tout semble affreusement surjoué.

Nul doute qu’une grande partie du public est venue pour la performance de Cecilia Bartoli, artiste tant aimée des mélomanes pour son engagement passionné et infatigable au service de la musique, depuis les répertoires les plus rares jusqu’aux « tubes » de Rossini ou Leonard Bernstein, comme en atteste sa toute récente Maria dans West Side Story. La chanteuse « se donne » avec sa générosité coutumière qui, toutefois, ne peut masquer l’inadéquation de sa voix aux exigences du rôle : aigu acide dès qu’il quitte la nuance piano, medium instable, vocalises évanescentes ou robotiques… Il faut attendre la dernière supplique à son père Oroveso, à la toute fin de l’opéra, pour se laisser gagner par l’émotion d’un chant triste et beau, enfin simple…

Le reste de la distribution, taillée à la mesure de l’interprète principale, offre la même impression resserrée, notamment l’Adalgisa de Rebeca Olvera, petite fille pleurnicharde, et le Pollione falot et mal chantant de Norman Reinhardt.

Comme l’on regrette alors les sensations, peut-être coupables mais qu’importe, que procuraient certaines productions moins exactes, moins « historiquement informées » mais tellement plus épanouies, séduisantes, bouleversantes.

(1) En page 26 du programme du spectacle présenté jusqu’au 18 octobre au TCE. Rens. 01.49.52.50.50.

Trois jours, trois concerts

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Une scène de Don Giovanni au TCE- Photo : Vincent PONTET/WikiSpectacleLa reprise de Don Giovanni de Mozart au Théâtre des Champs-Élysées, vendredi 9 décembre, une soirée Jean-Sébastien Bach à la Chapelle royale de Versailles, samedi 10, et, enfin, Songline, le spectacle en solo du baryton Marc Mauillon à la POP, le dimanche 11…

Trois moments de musique vocale à la forte personnalité qui permettent au spectateur de mieux analyser ce qui le fait vibrer et ce qui lui pose question.

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Au TCE, la production du chef-d’œuvre de Mozart retrouve Jérémie Rhorer dans la fosse et Stéphane Braunschweig à la mise en scène. De la direction du premier naissent de splendides incandescences – mais d’étranges alanguissements aussi – dont une scène du Commandeur chauffée à blanc où l’orchestre bouillonne comme tous les chaudrons de l’enfer. Les trois voix graves dont Mozart allie le métal dans une page qui reste stupéfiante alors qu’on croit la connaître par cœur, donnent alors leur meilleur : Le Don Giovanni de Jean-Sébastien Bou, jusqu’ici en peu en retrait, trouve enfin à qui parler, Robert Gleadow confirme la présence électrique de son Leporello et le Commandeur « anti-barbon »de Steven Humes sa réelle noblesse. Pour ces minutes géniales, le spectacle mérite d’être vu ou revu, comme pour le délectable « Là ci darem la mano » entre Don Giovanni et Zerline, si sensible et mélancolique.

Dans son ensemble, le plateau se révèle très correct (avec les limites que comporte cet adjectif), Julie Boulianne en Elvire nous gratifiant d’un magnifique « Mi tradi » à l’acte II et Anna Grevelius apportant à Zerline le charme malicieux et la tendresse délurée qu’on en attend.

Lit obligé accueillant les (tristes) ébats des protagonistes, morgue carrelée qui se transforme en salle de massage… Dans ce dispositif un peu à l’économie et plutôt lugubre, froidement éclairé, les protagonistes semblent figés, l’action venant davantage des choses inanimées et du décor tournant que des êtres de chair et de chant. Quelques figurants aux poses lascives n’en peuvent mais tandis que les images morbides et récurrentes d’institut médico-légal dérangent désagréablement.

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John Eliot GardinerLe Château de Versailles et, notamment, sa grandiose chapelle royale figurent en belle place chaque année dans l’agenda de John Eliot Gardiner. Après Monteverdi l’an dernier, voici Bach, ce samedi 10 décembre. A cadre admirable, admirable concert, mobilisant dans un même tourbillon les voix célestes  – et charnelles à la fois – du Monteverdi Choir, les solistes issus du chœur (tous formidables !) et les instrumentistes des English Baroque Soloists ! Peut-on, aujourd’hui, rêver direction plus souple, contrastes plus subtils, couleurs plus miroitantes, dans ce répertoire dont il faut servir l’insondable profondeur et faire rutiler l’incroyable virtuosité d’écriture ?

La soirée s’achève sur le Magnificat, là encore une page célèbre dont on se pique de maîtriser l’écoute et qui vous apparaît toute neuve, étincelante, tellement douce et, soudain, tellement éclatante. John Eliot Gardiner intercale quelques autres pièces de Bach entre les mouvements, dont le chœur a cappella et petit effectif « Vom Himmel hoch » : de ces instants volés au paradis, qu’on voudrait voir durer jusqu’à la fin des temps, qui vous comblent et vous font presque mal à force de beauté…

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Ni orchestre ni chœur, ce dimanche 11 décembre, à la Pop, sur le Quai de Loire à Paris. Mais un chanteur, le baryton Marc Mauillon, seul avec son corps et sa voix. Une « performance » physique et artistique d’une heure et quart, qui balade – et ballade – le spectateur de la monodie médiévale à quelques compostions contemporaines (Giacinto Scelsi, Philippe Leroux, Georges Aperghis…). Qu’il est grand le pouvoir d’une voix quand elle aborde ainsi, brave et solitaire, les graves et les aigus, le murmure et le cri, l’humour et l’émotion, l’articulé et l’insensé, le mélodieux et l’accidenté ! Soutenu par une gestuelle sobre ou parcourue de soubresauts presque inquiétants, cette Songline témoigne de l’ absolue maîtrise de la part de son concepteur et interprète mais aussi d’une sorte d’abandon très touchant. Le public plongé dans la pénombre, parfaitement silencieux durant le spectacle, fait fête à Marc Mauillon au moment des saluts. On rappelle que Songline est aussi l’objet d’un CD (édité chez Son an ero/Petit festival), hautement recommandé en cette période de cadeaux.

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Du nouveau…

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Il y a quelque temps, lorsque La Croix a ouvert un espace de blog à ses journalistes, je me suis piquée au jeu avec plaisir sur cette plateforme intitulée « Sur tous les tons ».

Mais, peut-être trop occupée ou plutôt mal organisée, j’ai « laissé filer » peu à peu, jusqu’à ne plus écrire de billet que de loin en loin, abandonnant ainsi l’esprit de régularité et de rendez-vous propre au blog.

Forte (faible plutôt…) de ce constat, je tente aujourd’hui autre chose, en souhaitant – sans trop de naïveté j’espère – m’y tenir désormais.

Voici de quoi il s’agit : de manière très brève, un peu dans l’esprit d’un entrefilet, je livrerai chaque jour (ou à peu près, ne soyons pas présomptueuse) une très courte note culturelle, musicale souvent mais pas toujours, en forme de coup de coeur (de griffe aussi ?), de remarque ou de question.

Rendez-vous demain, samedi 4 mars, pour la première d’entre elles…

Votez pour eux !

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Désir, voire nécessité absolue, d’un joyeux contrepoint à la campagne électorale : La Clique des Lunaisiens d’Arnaud Marzorati et le Palazzetto Bru Zane ont pensé à tout… il y a déjà deux ans.

Voici un disque (label Aparté) et un spectacle (à découvrir à Grenoble, puis Metz, Eu et Paris à partir du 12 avril), intitulés « Votez pour moi ». Entre gouaille, humour caustique, aimable gaudriole, émotion fugace et esprit frondeur, un choix réjouissant de chansons politiques de la fin du XIXe et du tout début du XXe.

Habillage instrumental et vocal de haute lice et paroles d’époque. Mais quelle époque au juste ?

A très bientôt !

Benjamin Grosvenor, irrésistible !

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Un pas élastique, un petit sourire et voici le jeune pianiste anglais, tout mince dans son costume impeccable, qui prend place devant le piano. Benjamin Grosvenor (né en 1992) a concocté un récital éclectique, de Mozart à Granados, ce dimanche 5 mars à 11 heures au Théâtre des Champs-Elysées dans la série de musique de chambre proposée par Jeanine Roze.

Déjà éblouie lors d’un concert à Gaveau il y a quelques années, je me sens vite ensorcelée par le charme inouï de cet artiste au toucher inimitable. Pourquoi se prend-on à rêver au Songe d’une Nuit d’été en l’écoutant ?

Sans doute parce que son Mozart (Sonate n° 13) chante et danse, volubile, élégant, plein d’abandon et de grâce. Quant à la Rhapsodie espagnole de Liszt qui clôt le concert, elle rassemble plus que brillamment toutes les cartes maîtresses de Benjamin Grosvenor : éloquence aux métamorphoses toutes shakespeariennes, aigu aussi pur et frais qu’un torrent de montagne, graves brûlant d’une obscure clarté, phrasé qui semble flotter au-dessus du clavier, même dans les traits les plus diaboliquement virtuoses, les architectures les plus robustes.

Et si l’on sait bien que la valeur n’attend pas le nombre des années, l’extraordinaire musicalité de ce jeune très jeune homme impressionne par sa profondeur et sa rayonnante sérénité.

Le 15 octobre prochain, le pianiste britannique (qui, à l’issue du concert, s’est prêté avec autant de naturel que de gentillesse attentive à la cérémonie des dédicaces) est à nouveau programmé dans ce même théâtre parisien. Il faudra y courir !

A très bientôt !


Kurt Moll, un géant

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Le décès de Kurt Moll, somptueuse basse allemande, ouvre aussitôt la boîte aux merveilleux souvenirs.
La plupart, vécus au Palais Garnier dans les années 1970/80.

Quelle chance d’avoir pu faire connaissance avec bien des rôles de basse profonde grâce à lui ! Et comme il pouvait être difficile parfois de les réentendre chantés par d’autres. Car une telle étoffe vocale ne se rencontre pas souvent, alliée à une musicalité hors pair et une intonation idéale.

En vrac, c’était Osmin vocalisant comme un oiseau et creusant des abîmes de graves cocasses ou inquiétants. Sarastro réellement envoyé sur terre par le soleil. Gurnemanz dont on aurait voulu que Wagner eût développé encore davantage le rôle ! Le roi Marke si noble et bien chantant qu’on s’étonnait de la trahison d’Isolde. Rocco patelin rattrapé par sa conscience… et encore et encore…

Simone Blanc, formidable chef de chant à l’Opéra de Paris dans ces années là et qui vient, elle aussi, de nous quitter, expliquait combien cet homme simple et modeste « bluffait » tout le monde sur le plateau dès qu’il faisait entendre son timbre rutilant. Ceux qui découvraient son talent pour la première fois comme ceux qui restaient à chaque fois médusés par l’ardent métal dans lequel cette voix avait été forgée.

À très bientôt !

Monteverdi et Cy Twombly

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bloomingLes associations d’idées valent ce qu’elles valent…

Mais, au sortir de la bien décevante production du Retour d’Ulysse de Monteverdi découverte au Théâtre des Champs-Élysées il y quelques jours, j’ai sans le vouloir pensé immédiatement à la magnifique exposition Cy Twombly, visible actuellement au Centre Pompidou.

Et tout particulièrement aux toiles et dessins inspirés à l’artiste américain, pétri de culture antique, par la mythologie et les grandes épopées des héros, dieux et demi-dieux. Explosions de couleurs, éclaboussures solaires ou glissements vers le royaume des ombres, bateaux lancés d’un trait frémissant sur des flots céladon, fleurs sanglantes écloses dans le ciel… Et, partout, esquissés d’une main rapide et vibrante, ces noms qui ouvrent sur tous les imaginaires, d’hier pour aujourd’hui : Venus, Apollo, Orpheus…

L’exaltation visuelle provoquée par l’art de Twombly, si gorgé de vie,  n’est-elle pas proche de celle qui nous saisit à l’écoute de la musique de Monteverdi ? Quand nous sommes bouleversés par la douleur et l’obstination de Pénélope, fascinés par la détermination d’Ulysse, attendris par la jeunesse bouillonnante de son fils Télémaque, émus par la noble fidélité du berger Eumée…

Alors on se dit que Cy Twombly eût été le créateur tout indiqué pour imaginer, sinon la mise en scène, du moins le décor (au sens le plus plein du terme) et travailler l’éclairage de ce Retour d’Ulysse. Quels trésors de vigoureuse beauté c’eût été, en lieu et place du palais grisâtre, raide et sans grâce et des pauvres accessoires bon marché, à l’humour épuisé, que nous avons vus récemment. Au passage, je regretterai toujours que l’on n’ait pas demandé à Pierre Soulages de concevoir un écrin outrenoir et lumineux pour Tristan de Wagner. Mais c’est une autre histoire…

A très bientôt !

Jonas Kaufmann… encore et toujours

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Jonas Kaufmann
Jonas Kaufmann

La question était : combien de temps allais-je pouvoir attendre avant de consacrer un billet de blog à Jonas Kaufmann ?! Réponse aujourd’hui : on ne se refait pas…

D’ici quelques jours, si tout va bien, le ténor se produira dans « André Chénier », emploi qui lui sied à merveille comme sa prise de rôle londonienne l’a prouvé il y a deux ans. Incarnation ardente et fiévreuse, passion amoureuse et sacrificielle, noblesse et fougue romantique (avant l’heure)… Autant d’ « ingrédients » dramatiques qui conviennent aussi bien à son timbre magnétique qu’à son incomparable engagement scénique.

J’espère sincèrement que cette prestation du 26 mars prochain au TCE donnera le coup de grâce à quelques remarques qui, je l’avoue, m’ont semblé parfaitement infondées sur un retour en mode mineur, après plusieurs mois passés loin des scènes. « Il chante moins bien qu’avant » a-t-on pu entendre dire et répéter. Comment « moins bien« ?

il est vrai que dans l’immense Bastille parisienne où il fit son retour dans « Lohengrin », la voix de Jonas Kaufmann qui ne sacrifie jamais la musicalité et la ligne de chant aux décibels peut sembler moins sonore que celle de certains de ses partenaires. Si le volume est le critère, alors certes, il n’est pas un champion toutes catégories. Mais cela a toujours été, hier comme aujourd’hui. Souvenons-nous par exemple de ce « Fidelio » à Garnier où un orchestre tonitruant noyait littéralement le plateau. Jonas Kaufmann s’y trouvait par moment submergé, sans chercher pour autant à forcer une voix dont le charisme se situe ailleurs que dans la puissance.

Il fascine plus que tout dans ce temps suspendu, cette poétique réunissant le souffle, le texte et le grain vocal en une alchimie unique, qui vous saisit, vous hypnotise pour ne plus vous laisser lui échapper. « Moins bien » alors, le récit de Lohengrin au troisième acte quand tout est accompli, moment si vite enfui et pourtant présent à jamais ?

A très bientôt !

PS. Comme l’hagiographie à tout de même ses limites, je me dois d’avouer que l’annulation par Jonas Kaufmann de sa participation aux représentations de « Tosca » la saison prochaine au Met de New York jette une petite ombre au tableau. Ne pas s’engager du tout aurait sans doute mieux valu que se désengager aussitôt…

 

 

La gentillesse de Sonya Yoncheva

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La soprano Sonya Yoncheva
La soprano Sonya Yoncheva

Le grand privilège de notre métier de presse est de pouvoir, même rapidement, même superficiellement, rencontrer des personnalités – dans mon cas, des artistes – qui lèvent un coin du voile sur les coulisses de leur travail, de leur talent.

Pour annoncer la retransmission en direct au cinéma, samedi 11 mars, de « La Traviata » de Verdi depuis le Met de New York, j’ai eu la chance de parler  au téléphone avec la soprano Sonya Yoncheva, interprète du rôle-titre, l’un de ses emplois préférés. Je savais son français excellent mais pas à ce point de nuances et de finesse dans l’expression. Une petite demi-heure d’interview fort intéressante (que j’essaierai de restituer sur le site Internet de La Croix vendredi 10) et une conversation extrêmement agréable, certes professionnelle, avec une femme charmante, disponible, rieuse et sérieuse à la fois.

Pourquoi ai-je été surprise de cette simplicité et de cette intelligence sans chichi ? Peut-être parce que l’image de la star lyrique que Sonya Yoncheva est légitimement devenue rôle après rôle reste inconsciemment associée à quelques clichés faciles : davantage d’instinct musical que d’analyse, un zeste de maniérisme voire de pose, des réponses répétitives et sans grande consistance aux questions (elles-mêmes récurrentes) des journalistes, dans un exercice imposé par le marketing…

Ces trente minutes d’entretien ont mis à mal, et c’est tant mieux, ces idées préconçues, autant sur le fond que sur la forme. Le timbre de Sonya Yoncheva puiserait-il une part de sa générosité et de sa lumineuse rondeur dans cette amabilité naturelle ? Je n’en serai guère étonnée.

A très bientôt !

 

 

actuellement.

Franz Schubert sous la plume de Gaëlle Josse

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Franz Schubert, "héros" d'Un été à quatre mains de Gaëlle Josse
Franz Schubert, « héros » d’Un été à quatre mains de Gaëlle Josse

Je ne sais si cet usage est toujours à la mode dans le monde de la publicité mais il fut un temps où l’on ne jurait que par le « teasing ». Une sorte de mise en appétit consumériste, fondée sur la curiosité, l’impatience et le sentiment de frustration (éphémère) du consommateur.

Quelques jours avant la publication d’un tout nouveau livre, je m’autorise aujourd’hui un petit teasing éditorial. Le 23 mars en effet, paraîtra aux Ateliers Henry Dougier, Un été à quatre mains de l’écrivain Gaëlle Josse.

Une auteur qui depuis Les Heures silencieuses (2011) nous prodigue texte après texte une œuvre singulière, d’une très haute qualité littéraire, d’une absolue sensibilité mais qui n’exclut ni la force évocatrice, ni une forme de désespoir feutré, adouci par l’élégance de l’écriture.

Mélomane (elle goûte tout autant la peinture dont elle nourrit aussi ses intrigues), Gaëlle Josse consacre son dernier récit aux quelques semaines que Franz Schubert passa, dans la douleur et le ravissement (la première l’empêchant de jouir pleinement du second), auprès de la famille Esterhazy. C’était en 1824, dans la résidence d’été de ces puissants aristocrates, soucieux de culture comme il se doit : les parents et leurs deux filles, dont la cadette, Caroline…

Puisqu’il s’agit d’un teasing, n’en dévoilons pas davantage, une fois précisé toutefois que ce court volume à la prose serrée charme le lecteur autant qu’il le fait chavirer. Et l’invite à filer au concert ou à explorer sans attendre sa discothèque pour (ré)écouter la musique de Schubert. La Belle Meunière et ses pièces à quatre mains tout particulièrement.

A très bientôt !

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